Laurent Pichon : « Comme le bon vin »

Crédit photo Pauline Ballet / ASO

Crédit photo Pauline Ballet / ASO

Quelle belle histoire ! Sans faire injure à l’expérimenté et précieux coéquipier d’Arkéa-Samsic Laurent Pichon, qui aurait donc parié, ce midi, sur un Top 10 du natif de Quimper sur Paris-Roubaix ? Pas le premier concerné lui-même, en tout cas. Et pourtant, c’est bien ce qu’est parvenu à réaliser l’un des capitaines de route de la formation bretonne, ce dimanche, après avoir passé une bonne partie de la journée à l’avant (voir classement). DirectVelo a recueilli la réaction d’un coureur sur un petit nuage, et d’humeur à plaisanter, après l’arrivée. Entretien.

DirectVelo : Te voilà dans le Top 10 de Paris-Roubaix pour ta deuxième participation, à 35 ans !
Laurent Pichon : Je n’ai pas trop l’habitude de me retrouver dans ce genre de situation. Il fallait rester concentré sur l’effort, sur les pavés, sans faire d’erreur. Sur la fin, j’ai essayé de faire la meilleure place possible avec ce qu’il me restait dans les jambes. 8e, c’est pas mal. Jamais je n’aurais pensé faire ça au départ. Je crois que je vais être obligé de revenir l’an prochain (sourire). Il y aura peut-être les pavés du Tour en juillet, on ne sait jamais. J’ai montré que j’étais à l’aise !

As-tu eu le temps d’imaginer finir sur le podium ?
À un moment donné, à trois devant, comme (Matej) Mohoric faisait la moto, j’ai cru au podium, un petit peu. Mais il restait encore beaucoup de secteurs et je sentais bien que j’étais limite, quand même… Il faut être réaliste, même si on y croit toujours un petit peu.

Sur la fin de course, tu t’es arraché jusqu’au bout du bout de tes dernières forces pour arracher ce symbolique Top 10…
Avec Adrien (Petit), on était mort tous les deux mais on a tout donné et on a réussi à s’accrocher et à revenir sur le groupe de (Mathieu) Van der Poel et (Jasper) Stuyven. Le titre de premier Français, c’est sympa, mais on vient surtout chercher le meilleur résultat possible. J’ai toujours eu un coup d’avance et ça m’a bien aidé.

« JE ME SUIS CRU DANS UN STADE DE FOOT »

Tu n’avais participé qu’une fois à Paris-Roubaix, en 2012 : réaliser un Top 10 cette saison est presque insensé !
Oui ! Je ne devais même pas être là. Ce n’était pas du tout à mon programme initial. J’ai remplacé Hugo Hofstetter. Quand j’ai su qu’il n’allait pas être là, j’ai dit à la direction de l’équipe que ça m’intéressait. Je voulais finir Paris-Roubaix une fois dans ma carrière. L’entrée sur le vélodrome, c’était des frissons… Mais j’étais surtout concentré car il y avait le groupe qui arrivait pour la deuxième place donc on ne voulait pas trop les gêner. C’était un peu tendu. Mais je vais surtout retenir la trouée d’Arenberg, le Carrefour de l’Arbre, Mons-en-Pévèle… Dans toute la partie où on était à trois devant, j’étais le seul Français donc tout le public était pour moi. C’était un truc de fou, je me suis cru dans un stade de foot ! C’est beau, je suis content. Je ne me rends pas trop compte… C’est mon premier Top 10 sur un Monument.

Quels souvenirs gardais-tu de ta première expérience sur l’épreuve ?
La première fois, j’avais détesté. C’était la première fois que l’équipe Bretagne-Schuller y participait, à l’époque. J’étais venu sans une bonne préparation. Je voyais des coureurs mettre deux guidolines, des straps, je regardais ce qui se faisait autour de moi… J’avais abandonné car j’avais mal aux mains. C’était ma grande appréhension. J’ai quand même des cloques mais je m’en sors bien.

Tu as réalisé une course pratiquement parfaite…
Pendant la reconnaissance, vendredi, quand j’ai vu la violence et la brutalité d’Arenberg, je me suis demandé si c’était une bonne idée d’être venu ici (rires). Mais finalement, je me suis retrouvé devant, ce qui m’a permis de passer à travers les chutes, les crevaisons… Je ne pensais pas que le fait de prendre un coup d’avance m’emmènerait aussi loin. Le groupe des favoris est revenu sur moi et à partir de là, j’ai essayé de m’accrocher le plus longtemps possible.

« J'ÉTAIS STRESSÉ COMME UN NÉO-PRO »

Tu semblais être dans la forme de ta vie ce dimanche !
L’an dernier, j’avais déjà un bon niveau. J’avais notamment fait un Top 5 sur une étape de Paris-Nice alors que je n’y étais jamais parvenu auparavant. Je dois être comme le bon vin (rires). Ce n’est que du plaisir. C’est ma treizième année chez les pros. Je prends les courses comme elles viennent, pour le plaisir, même si je ne vous cache pas que ce matin, j’étais stressé comme un néo-pro.

Finalement, tu pourrais peut-être continuer encore quelques années !
Ben oui ! À quel âge il l’a gagné, Matthew Hayman ? (rires). Non, je déconne… Mais il ne faut pas se fixer de limites. Je suis passé pro à 24 ans. Je suis peut-être en décalage. J’ai conscience de la chance que j’ai de vivre de ce métier. Il faut se faire plaisir. Le vélo, c’est ma passion. J’aimerais moi-même transmettre à terme. D’ailleurs, aujourd’hui (dimanche), j’étais là pour ça, pour transmettre aux jeunes comme Matis Louvel ou Amaury Capiot. Je cours libéré, sans prise de tête.

Tu es un nouvel exemple qui prouve que cette saison, tout le monde performe chez Arkéa-Samsic…
C’est ça, on est dans une bonne dynamique. On évolue petit à petit. On recrute des entraîneurs comme dans les grandes équipes, on a du matériel au top du top. Le vélo, ça se joue à de petits pourcentages. On comble tout ça et ça paie.  

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