Victor Koretzky, « un pari » pas vraiment risqué

Crédit photo Franz-Renan Joly / B&B Hôtels-KTM

Crédit photo Franz-Renan Joly / B&B Hôtels-KTM

Il sera assurément l’une des principales attractions du peloton tricolore cette saison. À 27 ans, Victor Koretzky a fait le choix de tenter l’aventure sur la route au sein de l’équipe B&B Hôtels-KTM. Parmi les tous meilleurs vététistes au monde, il débarque sur la route avec, forcément, excitation et ambition. Ce que je recherche via cette opportunité, c’est tout simplement de me prouver à moi-même ce que je suis capable de réaliser sur la route”. 2e coureur mondial en VTT en 2021, avec deux victoires sur des manches de Coupe du Monde à la clé, une médaille de bronze aux Mondiaux ou encore une 5e place à Tokyo lors des Jeux Olympiques, le Biterrois ne débarque pas sur la route pour y faire figuration. “Gagner sur route, c’est plus difficile qu’en VTT dans le sens où il y a plus de faits de course et un travail d’équipe plus important. Mais j’aime me fixer des challenges et j’ai envie que ces challenges soient élevés. Ce n’est pas arrogant de ma part. C’est simplement que pour me donner à fond à l'entraînement, j’en ai besoin. Je ne dis pas que ça va être facile. Au contraire, je sais que ça va être très dur et c’est justement ce qui me motive”.

Cette idée de débarquer sur la route, Victor Koretzky l’avait dans la tête depuis plusieurs années. Mais des événements l’ont amené à d’abord décaler. “Quand il se fixe des objectifs, il s’y consacre à fond et jusqu’au bout. Il avait ciblé les Jeux Olympiques de Rio et il était passé à côté d’une médaille quasi assurée à cause d’une crevaison. Il l’a longtemps eu en travers de la gorge et a décidé de prendre sa revanche à Tokyo, ce qui a repoussé son arrivée sur la route”, relate pour DirectVelo son père, Nicolas Koretzky. Pour autant, Victor n’a pas décidé d’arrêter sa carrière en VTT et il compte bien retrouver les JO dans sa discipline de cœur une troisième fois, à Paris en 2024. D’ici-là, il fera de la route une priorité mais pas une exclusivité. “2022 sera une saison orientée vers la route. Le but en VTT, cette année, sera simplement de faire quelques épreuves pour garder des points au classement mondial et ne pas partir trop loin sur les manches de Coupe du Monde que je compte faire. Je ne veux pas me retrouver complètement largué”.

DES CAPACITÉS PHYSIQUES INCONTESTABLES

Dans son entourage, personne ne doute des énormes capacités physiques de Victor Koretzky, à commencer par son frère Clément, lui-même ancien pro sur route à La Pomme Marseille, Bretagne-Séché Environnement (ex-Arkéa-Samsic) et Vorarlberg. “Le niveau physique, ça ne sert à rien d’en parler. Je vois certains douter de son niveau dans des articles mais si on s’en tient à ses capacités physiques, il est dans les meilleurs mondiaux. C’est factuel”, lâche celui qui est désormais banquier, à Lille. “En comprenant bien, attention, que je parle de capacités et pas de résultats. Je ne dis pas qu’il va forcément écraser… Mais aujourd’hui, tout est mesuré. Les puissances sur Strava etc, on connaît. Et on sait tous les capacités physiques de mon frère. Il a battu (Tom) Pidcock et (Mathieu) Van der Poel à plusieurs reprises en VTT. Il a fait ses preuves”.

Jérôme Pineau, le manager de la formation B&B Hôtels-KTM, est lui aussi convaincu des qualités de sa nouvelle recrue. Et il se pourrait qu’il ait réalisé un très joli coup en s’offrant les services de l’Héraultais.Je pense que s’il était de nationalité belge, italienne, néerlandaise, ou britannique, on ne se poserait pas la question (de savoir s’il a sa place chez les pros sur la route, NDLR). Mais c’est coutumier chez nous. On met les sportifs dans des cases et on fait en sorte qu’ils y restent. Ce n’est pas notre mentalité. On n’a pas hésité un seul instant à le recruter. On connaît ses qualités, ses capacités à rester à très haute intensité pendant 2h, 2h30, et à battre les meilleurs vététistes du monde. C’est du très haut niveau. Maintenant, il lui reste à travailler l’endurance mais on a la naïveté de penser que c’est la partie la plus simple à acquérir”.

VICTOR KORETZKY VOULAIT TRAVAILLER AVEC JÉRÔME PINEAU

Ce que Jérôme Pineau ne précise pas, c’est qu’il est en réalité en contact avec Victor Koretzky depuis de longues années. Cette signature du vététiste est le fruit d’un travail de longue haleine. Jérôme Pineau voulait le récupérer depuis au moins quatre saisons. Il connaît ses qualités et il compte sur lui. Je sais qu’il sera assez intelligent pour tirer le meilleur profit de Victor”, considère son père, Nicolas. Clément, le grand-frère de Victor, en dit plus sur les coulisses de cet engagement avec les Men in Glaz, il y a quelques mois. “Victor veut travailler dans la confiance. Et c’est ce qui l’a guidé dans son choix, plus que le salaire. Ça a matché avec Jérôme Pineau. Mon frère me l’a dit : s’il va chez B&B, avant toute autre chose, c’est parce qu’il fait confiance à Jérôme Pineau et qu’il voulait travailler avec lui. Même si quelqu’un d’autre proposait le double, je pense que Victor aurait quand même signé chez B&B. Il a besoin de cet aspect relationnel”. Le principal intéressé confirme qu’il a eu “d’autres propositions et des discussions”. En coulisses, il se dit que la plupart de ces propositions n'ont pas franchement semblé à la hauteur des performances réalisées par Victor Koretzky en VTT ces dernières saisons. Une ou plusieurs formations du WorldTour auraient ainsi proposé à l’athlète de courir, au moins dans un premier temps, dans leur équipe réserve, en guise de test. “Un manque de respect pour sa carrière”, considère-t-on du côté de ses proches. “Chez B&B, ils ont su m’étalonner à mon juste niveau. Peut-être que ce n’était pas le cas d’autres staffs qui ne suivent pas le VTT”, préfère sourire Victor Koretzky. “Sans me lancer des fleurs, je pense être un athlète de haut niveau. Souvent, les vététistes sont très bons sur la route. Il y a des doutes chez les DS mais pour moi, il n’y a pas de risque. Très souvent, ça fonctionne. Jérôme et Sébastien (Pineau) l’ont bien compris”

Mais alors, que peut bien espérer Victor Koretzky sur la route ? Ses performances en VTT lui assurent-elles nécessairement un futur radieux sur la route ? “On va essayer d’établir un calendrier qui correspond très bien à sa particularité. Le vététiste, il ne faut pas chercher à en faire un routier, il n’a pas besoin d’accumuler les jours de course pour être performant. Il a besoin de phases de préparation, de phases d’objectifs, de phases de récupération et ainsi de suite. On saura le faire”, promet Jérôme Pineau. “On a une très bonne équipe, un très bon staff qui saura établir le programme parfait pour lui. Certes, c’est un petit pari, mais non pas un pari à risque. Si Victor ne s’adapte pas à la route, c’est qu’il y aura eu d’autres ingrédients qui ne lui ont pas permis de performer. Sur la qualité du sportif, il est une certitude que ce coureur est fait pour devenir l’un des fers de lance de notre équipe”. Son frère, Clément, a hâte de voir Victor à l'œuvre : “la force de l’individu, pour moi, c’est validé”, insiste-t-il. “Maintenant, il lui faudra les capacités de s’adapter aux nouveaux paramètres qu’il devra prendre en compte. En VTT, il devait travailler ses trajectoires, les passages d’obstacles, etc. Sur route, il va devoir travailler le placement, apprendre à ne pas faire d’efforts inutiles, bien enchaîner les étapes…”.

JEAN-CHRISTOPHE PÉRAUD L’IMAGINE BRILLER… DANS UN AUTRE REGISTRE QUE LUI

Victor Koretzky n’est pas le premier vététiste à basculer vers la route, loin de là. Parmi les exemples les plus marquants de ces dernières années, on pense notamment à Jean-Christophe Péraud. Passé pro sur route sur le tard, ce dernier à tout de même eu le temps de terminer 2e d’un Tour de France par la suite. “Je pense que ça se passera bien pour lui. Mais ce ne sera clairement pas dans le même registre que moi. Le VTT a changé. On voit bien depuis quelques années que les vététistes qui passent sur la route excellent avant tout en tant que puncheurs. Il a un grand gabarit, je ne le vois pas forcément briller en haute montagne”, analyse l’ancien coureur d’AG2R La Mondiale. “Il va devoir s’habituer à la répétition des journées de course. En VTT, ça n’a rien à voir : on a une reco’, une compétition, puis c’est récup’. Et on repart sur l’entraînement. Là, sur les courses par étapes, il faut enchaîner tous les jours. C’est difficile musculairement pour l’organisme. Dans le peloton, quand tu te retrouves en fin de course dans la préparation d’un emballage massif, avec les énormes relances des gros steaks qui roulent en tête de peloton… ça fait très mal ! Musculairement, je me souviens que j’étais en souffrance les premiers mois. Je manquais de puissance pure mais c’est venu avec le temps en prenant du muscle”.

Victor Koretzky partage l’avis de Jean-Christophe Péraud, et ne s’imagine pas véritablement comme un potentiel futur grand grimpeur. Lui le clame haut et fort : il sera sans doute d’abord un puncheur. Mais il tient tout de même à travailler en montagne. “Je suis habitué à faire des montées entre 20 et 30 minutes mais ce n’est pas mon terrain favori. Je sais que je vais devoir travailler là-dessus pour être plus efficace en montagne. Je préfère monter en à-coups plutôt que de façon régulière. Ce sont mes qualités qui veulent ça. Mais je vais devoir travailler la régularité dans l’effort pour être devant et tenir les bons groupes dans les cols, c’est clair. D’ailleurs, j’ai déjà commencé à le travailler”. Son manager général, Jérôme Pineau, a bien sûr déjà un plan et un programme en tête pour Victor Koretzky. “C’est un super puncheur avant d’être un grimpeur”. Ainsi, le manager des Men in Glaz évoque les Classiques. Sans la citer directement, on sent qu’il rêve de voir son coureur briller, à terme, sur les pentes du Mur de Huy lors de la Flèche wallonne, par exemple, comme bien d’autres vététistes l’ont fait dans un passé récent.

QUATRE PREMIÈRES COURSES EN FRANCE

Dès le début de saison, le garçon aura l’occasion de se tester sur des arrivées en bosse, notamment à l’occasion du Tour des Alpes-Maritimes et du Var. Des premiers tests intéressants. “C’est sur ce type d’arrivées explosives qu’on va l’attendre”, enchaîne Jérôme Pineau. “Sans aucune pression. On va d’abord le laisser vous montrer qu’il est bel et bien un athlète de haut niveau sur la route, puis on se fixera ensuite des objectifs, ensemble. Il a besoin de se rassurer sur la route, d’y chercher des valeurs de référence, sachant qu’il a déjà des références à l’entraînement. Maintenant, il va falloir le montrer sur les premières compétitions. Ensuite, il sera temps de penser à plus grand même si évidemment, on a déjà un programme établi avec lui et ça passe par de très grands rendez-vous…”.

Victor Koretzky fera ses débuts chez les pros en Provence, sur les routes du GP La Marseillaise. Il enchaînera immédiatement avec l’Étoile de Bessèges avant le Tour des Alpes-Maritimes et du Var puis les Boucles Drôme/Ardèche. “J’ai envie d’être performant d’entrée de jeu, je ne veux pas subir. Je compte arriver en forme et en capacité de batailler dès les premières courses”, prévient le néo-pro. “S’il n’est pas trop marqué sur le début de saison, il pourra peut-être espérer de belles choses s’il arrive à se glisser dans une échappée par exemple”, espère son père. “On va voir comment il va négocier le premier tiers de la saison et on en saura rapidement plus pour la suite”, prévient enfin son frère. “Il ne pourra peut-être pas performer tout de suite sur cinq heures de course. Si on lui laisse le temps de s’habituer, ça ne sera pas un obstacle”, ajoute le même Clément Koretzky. De son côté, Jean-Christophe Péraud considère, de par son propre vécu, que Victor Koretzky devra se faire violence sur les premières épreuves mais que le fait d’enchaîner les jours de course ne pourrait lui faire que du bien. “Il faut le mettre directement dans le bain ! Son corps doit être confronté à ces nouvelles exigences. La première année, l’équipe m’avait fait enchaîner toutes les manches du Challenge de Majorque. C’était dur mais c’était une première pierre à l’édifice”, rappelle celui qui avait, les semaines suivantes, très vite performé avec Omega Pharma-Lotto en terminant 8e de Paris-Nice puis 4e du Tour du Pays Basque. “S’il se lance ce challenge, c’est pour performer. Je ne suis pas inquiet pour lui, ça devrait aller”.

IMPERMÉABLE À LA PRESSION

Ce n’est donc plus qu’une question de jours avant de voir Victor Koretzky en action dans le peloton professionnel. Et pour ses débuts, il disputera donc des courses dans le sud de la France, non loin de ses terres. “J’aurai quelques supporters, ça va me pousser. Ma famille pourra peut-être venir aussi”, se réjouit-il d’avance. “C’est prévu ! J’aimerais bien aller le voir sur les premières courses”, confirme son père Nicolas, confiant mais également prêt à envisager tous les scénarios pour le début de saison. “Il ne faudra pas se démobiliser si ça ne marche pas tout de suite. Sur la route, même lorsqu’on est costaud, ce n’est pas toujours le plus fort qui gagne”.

Dans tous les cas, il lui faudra gérer une pression peut-être différente de celle qu’il a connue jusqu’à présent, mais cela ne semble pas effrayer son frère Clément. “J’ai rarement vu quelqu’un gérer si bien la pression et le stress. Pour moi, c’est même l’une de ses principales qualités. Il est époustouflant là-dessus. À côté, j’étais nul (rires)”. Futur papa, Victor Koretzky pourra aussi compter sur un tempérament “très posé”, comme l’affirme son père. “Mais une fois sur le vélo, c’est un guerrier !”. Une combinaison idéale, sur le papier. Le plus dur (et le plus beau ?) commence donc peut-être maintenant pour Victor Koretzky. Et il aura les crocs dès les toutes premières compétitions. “J’avoue que j’aimerais bien lever les bras le plus tôt possible, dès cette année si possible”. Une chose est sûre : s’il n’est certainement pas question de mettre la charrue avant les bœufs, il paraît évident que tous les espoirs sont permis.

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