Pendant quelques minutes, on a presque eu le temps de croire revivre le scénario du dernier Championnat d’Europe, à Trente (Italie). Per Strand Hagenes y avait fait forte impression mais avait dû s’incliner, sur la ligne, face à la paire française composée de Romain Grégoire et de Lenny Martinez, le premier décrochant le titre continental. Le Norvégien, médaille d’argent en Italie, ne souhaitait certainement pas revivre pareille mésaventure. Alors, sur le Mondial belge, c’est en deux temps que Per Strand Hagenes a pris ses responsabilités et construit son succès. Un temps piégé par un groupe de cinq costauds, parti à l’avant peu avant la cloche du dernier tour, le Norvégien a attendu d’apercevoir le panneau indiquant les dix derniers kilomètres pour mettre sa première très grosse cartouche et boucher, en quelques hectomètres, l’écart qui le séparait du groupe de tête.

TRENTE ENCORE EN TÊTE 

Pas le temps de souffler pour le Scandinave, qui a ensuite décidé de profiter - quelques instants plus tard - de la dernière courte ascension du circuit de Louvain pour s’en aller seul. “Il fallait absolument que j'attaque là pour faire la différence, notamment parce qu’il y avait pas moins de trois Français dans le groupe de tête (de huit coureurs, NDLR). Lorsque j’y suis allé, j’ai directement tout mis, mais un Français (Romain Grégoire, NDLR) s’est d’abord accroché”, racontait le nouveau maillot arc-en-ciel quelques minutes après en avoir terminé. Et contrairement au Championnat d’Europe, c’est bien lui qui a eu le dernier mot. “J’ai insisté et il a perdu un mètre, puis dix… J’ai continué de creuser l’écart et j’ai tout donné jusqu’à la ligne”.

Le futur coureur de la Jumbo-Visma Development Team regrette tout de même que la course se soit jouée en partie sur une chute, bien que cela n’enlève rien à la force dont il a fait preuve dans le final. “J’ai sans doute eu un peu de réussite lorsqu’il y a eu cette chute au pied. Ce n’est jamais sympa de voir ses adversaires être éliminés sur chute mais ça fait partie de la course. Au Championnat d’Europe à Trente, j’ai moi-même mal pris un virage. C’est le jeu même si c’est triste pour ceux à qui s’est arrivé, et ça arrive aussi aux meilleurs”.

PRENDRE SON TEMPS MALGRÉ TOUT

Car, finalement, le Norvégien a respecté le plan qu’il s’était fixé à la lettre, et c’est aussi ce qui lui a permis de l’emporter ce vendredi. “Les Français ont ramené le peloton sur l’échappée et c’est ressorti à cinq. Il a fallu que j’y aille pour boucher le trou dans une bosse. Une fois devant, j’ai essayé de garder de l’énergie pour la dernière montée. Attaquer à ce moment-là, dans cette bosse, était le plan. Je préférais finir seul plutôt que de me retrouver dans un sprint”. Il faut dire que Per Strand Hagenes a mis un moment à digérer sa médaille d’argent italienne. “Après Trente, j’ai eu du mal à m’y remettre pendant une semaine, puis je suis passé à autre chose. Mais je ne voulais pas me retrouver dans la même situation et c’est pour ça que j’ai tenu à finir seul”, insistait-il en conférence de presse d'après-course. 

Jusqu’à présent, aucun Norvégien n’avait décroché le titre ni même une médaille au Mondial Juniors sur route. C’est désormais chose faite. “On y pensait. On voulait améliorer le meilleur résultat qui, jusqu’ici, n’était qu’une 6e place (Vegard Stokke en 2019 au Yorkshire, NDLR). C’est sympa d’écrire un peu l’histoire”. Doucement mais sûrement, le lauréat va désormais pouvoir se tourner vers 2022 et ses débuts avec la réserve de Jumbo-Visma, lui qui souhaite se spécialiser sur les Classiques à terme. Et pas question de se laisser griser par le résultat du jour pour envisager une autre hypothèse quant à son avenir à court et moyen terme. “Peut-être que j’aurais déjà pu signer pro mais je préfère prendre les choses tranquillement, étape par étape et dans l’ordre. Je ne me sens pas prêt pour rejoindre le monde du WorldTour dès maintenant, même si ça marche bien chez les Juniors”.