Les mythiques de la Mavic - UC Pélussin : L'esprit Rivory

Crédit photo DR

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De  1978 à 1998, la société MAVIC (Manufacture d’articles vélocipédiques Idoux-Chanel) a patronné la Coupe de France des clubs amateurs lancée par les Amis du Tour de France . Le classement est par équipes. Au début, les clubs marquent des points sur les épreuves nationales et internationales (classiques et courses par étapes) du calendrier. En 1981, 122 épreuves sont prises en compte. Les coureurs sélectionnés en équipe de France rapportent des points à leur club, en compensation du “manque à gagner”. En 1992, le calendrier est réduit à 18 courses, puis 12 l’année suivante. A partir de 1999, la Coupe de France MAVIC laisse place aux Championnat de France DN1, DN2, DN3, puis, de nouveau, à la Coupe de France DN1 et DN1 espoirs à partir de 2003.

En 1981 et 1982, l'AS Saint-Etienne perd deux finales de Coupe de France de suite. Heureusement, un petit club de vélo va reverdir le blason du sport stéphanois. Petit mais avec un coeur gros comme ça et des coureurs gonflés à bloc par un directeur sportif unique. L'UC Saint-Etienne Pélussin remporte la Coupe de France Mavic en  1981 et en 1982. Ses coureurs sont les premiers à terrasser les grands clubs parisiens, à commencer par l'ACBB, vainqueur des trois premières éditions.

Robert Forestier, Gilles Mas, Michel Charréard, Jean-Claude Garde, Gilles Guichard, Christian Cazorla, Gilles Carles sont les principaux artisans de ces deux trophées. Gilles Mas, René Forestier et Michel Charréard ont aussi porté le maillot de l'équipe de France sur le Tour de l'Avenir et de la Course de la Paix.

Tous ces hommes étaient dirigés par Pierre Rivory -à droite sur la photo-, le "Sorcier du Pilat" qui savait "transcender les coureurs et créer un état d'esprit que je n'ai jamais retrouvé nulle par ailleurs", ressent, encore aujourd'hui, Gilles Mas.

Visionnaire, l'éducateur avait le projet de monter une équipe professionnelle à partir de son club amateur. Il avait dix ans d'avance sur les équipes promotionnelles et vingt ans sur les Continental. Son objectif était alors de faciliter le passage des jeunes coureurs du peloton amateurs à celui des pros. "Je souhaite que mes garçons puissent faire l'apprentissage du professionnalisme. J'envisage qu'ils soient pris en charge par un groupe extra-sportif pro, tout en conservant le statut amateur durant un an ce qui lui permettrait déjà de participer aux courses open", imaginait-il en 1981 (1).

L'actuel Président de l'EC Saint-Etienne Loire était présent en ce jour de novembre 1971, à 10 ans, avec son oncle et parrain, Pierre Rivory, pour l'Assemblée générale constitutive de l'UC Pélussin qui a porté sur les fonds baptismaux dans le café de la commune. Qui mieux que lui pouvait conter à DirectVelo l'aventure de l'UC Saint-Etienne Pélussin du début des années 80.

DirectVelo : Quel genre de dirigeant était Pierre Rivory ?
Gilles Mas : C'est un passionné qui savait transmettre la motivation aux coureurs. Aux leaders, mais aussi aux plus faibles ou les moins en forme. Il savait donner un objectif à tout le monde pour se sentir utile à l'équipe. Il transcendait les coureurs. Il avait des qualités innées pour tirer le maximum d'un coureur. Il savait le motiver et exploiter ses qualités. J'ai rarement connu ça.

DU YOGA

Comment s'y prenait-il ?
Déjà la saison commençait dès le 1er novembre avec lui. On se retrouvait à son magasin de cycles pour les entraînements collectifs, trois fois par semaine. On faisait de la PPG, du renforcement musculaire mais aussi de la préparation mentale à base de yoga et de relaxation. Nous étions 30 à 40, il créait des groupes de niveau.

Vous en ressentiez les effets en course ?
Rendus en février, nous étions préparés physiquement et mentalement. Tout cela créait une bonne ambiance entre les coureurs.  Sur Tour de Béarn-Aragon, le groupe était préparé. Je prends le maillot le premier jour et je peux compter sur l'équipe ensuite.

Comment expliquez-vous vos deux victoires sur la Mavic ?
Il fallait être capables de courir sur deux fronts et de gagner sur deux fronts pour marquer des points. Nous arrivions à doubler deux courses par étapes car toutes les courses comptait à l'époque [122 courses françaises et internationales en 1981]. A Pélussin, nous étions 20 coureurs de 1ère catégorie et 10 de 2e caté, intégrés au groupe ce qui nous permettait de doubler. Nous avions aussi des coureurs de profils différents. Pierre Rivory envoyait les rouleurs sur les Trois Jours de Vendée, l'Essor Breton.

UNE FRATERNITÉ

Y avait-il un leader ?
A chaque épreuve, un coureur se dégageait en fonction de la course. On mouillait le maillot. Parfois j'étais leader mais sinon je me mettais au service des copains. Nous nous mettions au service des autres avec grand plaisir pour les remercier de leur travail sur les autres courses. Il y avait une fraternité que je n'ai pas vécue depuis.

Comment Pierre Rivory recrutait-il ses coureurs ?
Il y avait peu de budget alors on ne recrutait pas. Il n'y avait pas de primes par exemple. Mais les coureurs venaient taper à la porte du club car ils sentaient qu'ils pouvaient progresser à Pélussin. On se retrouvait à 30 à l'entraînement dans le groupe de haut-niveau. Il y avait une dynamique extraordinaire. Je n'ai jamais revu ça.

Comment avez-vous fêté la victoire à la Coupe de France ?
On ne fêtait pas, on s'entrainait toujours.

QUAND STEPHEN ROCHE FAIT LA GUEULE

Comment réagissaient les clubs parisiens face à la victoire d'un club de province ?
Pas très bien. Au Tour de l'Hérault, en 1980, Roche, Beucherie et Claude Escalon [le DS de l'ACBB] ne nous regardaient pas. Nous n'avions pas de belles voitures, on ressentait de l'indifférence. Mais quand on bat Roche sur ce Tour de l'Hérault, il a fait la gueule !

Et les clubs de la région ?
Dans le sud-est, on était respecté. Nous avions refusé dans rentrer dans les maffias sur les courses régionales. Nous étions un peu la bêtes noires des coureurs expérimentés car, sur les courses les plus dures, nous les battions régulièrement.

En 81 vous terminez premier Amateur français du Tour de l'Avenir mais vous ne passez pas pro. Pourquoi ?
Fin 1981, j'étais en contact avec Jean-Pierre Danguillaume pour aller chez Miko-Mercier. Pierre Rivory m'a convaincu de ne pas signer car il allait monter une équipe pro l'année d'après. J'avais envie de continuer une année de plus avec Pélussin.

LE TOURNANT APRÈS L'ÉQUIPE PRO

En 1983, le projet d'équipe pro aboutit...
L'équipe s'est montée dans la douleur. Ce fut une année difficile mais je n'ai aucun regret. Il y avait Vincent Lavenu, Dominique Garde, Jean-Claude Bagot, Thierry Claveyrolat. Fin juin, nous étions encore payés mais à partir de juillet, plus rien. Jean De Gribaldy me voulait mais ça ne s'est pas fait. J'ai continué jusqu'au Tour de l'Avenir [en 1984, il rebondit chez Skil, l'équipe de Jean De Gribaldy NDLR].

Quelles sont les conséquences de cet échec pour le club ?
Il m'a toujours dit qu'à Pélussin, il n'aurait jamais les moyens financiers de faire un grand club. Ce épisode marque un tournant dans la région et pour Pierre Rivory. Il vend son magasin de cycles à Pélussin et rentre à la ville de Saint-Etienne. En 87-88, il met sur pied une section sport-études au collège de  Valbenoite . En 1991, il crée le club qui devient l'ECSEL en 1996. Le club débute  en DN3 et monte en DN2 en 1997 et depuis 2001, nous sommes en DN1. Entre temps, Pierre Rivory a créé le Pôle Espoirs de Saint-Etienne en 1997 qu'il a séparé du club l'année suivante. C'est Dominique Garde, mon cousin, qui l'a dirigé.
Je suis revenu au club en 1996. D'abord comme vice-Président pendant dix ans et comme Président depuis dix ans, maintenant. J’essaie de faire vivre l’esprit Pélussin à Saint-Etienne.

(1) Vélo n°160 Novembre 1981

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