Ronde de l’Isard : Les coureurs très refroidis

Crédit photo Kim Caritoux

Crédit photo Kim Caritoux

La Ronde de l’Isard contrainte d’annuler sa première étape ce jeudi : un choc pour les coureurs qui préparent toute l’année cette épreuve capitale au calendrier. A l’arrivée, le choix du peloton de ne plus disputer la course, en raison notamment de plusieurs cas d’hypothermie, a suscité la vive désapprobation des organisateurs. Même Raymond Poulidor, parrain de l’épreuve, y est allé de son commentaire au cours d’une réunion qui s’est tenue à Boulogne-sur-Gesse (Haute-Garonne), la ville d’arrivée, en présence de 18 des 24 équipes participantes : "Si vos coureurs ne veulent pas rouler parce qu’il fait froid, il faut qu’ils fassent autre chose. Aujourd’hui, il y a un perdant : c’est le cyclisme".

DES CHUTES IMPRESSIONNANTES

La décision des coureurs résulte en réalité d’une succession d’incidents, parmi lesquels deux chutes spectaculaires. Il y eut d’abord celle de Romain Chamayou-Brien (sélection du Limousin), qui a "choqué" plusieurs concurrents : le blessé saignait abondamment de l’arcade sourcilière et il était agité de convulsions. Par la suite, on apprendra qu’il est aussi victime d’un traumatisme crânien avec perte de connaissance.

La seconde chute, la plus spectaculaire mais la moins grave dans ses conséquences, impliquait le Néerlandais Martin De Jong (SEG Racing), qui a percuté de face un véhicule à l’arrêt, stationné à gauche de la route. Il a rebondi sur le pare-brise, sauté de deux à trois mètres et s’est profondément entaillé le visage. "Est-ce qu’il est mort ?" ont demandé plusieurs coureurs qui se sont immédiatement arrêtés pour prendre des nouvelles.

PLUSIEURS CAS D'HYPOTHERMIE

La suite de l’étape tourne au chaos. Le médecin occupé au chevet de De Jong, ne peut plus assurer la sécurité du peloton et, de fait, les commissaires décident de neutraliser l’étape. Le peloton est arrêté une vingtaine de minutes en rase campagne alors que la pluie tombe, cinglante, et qu’un vent puissant se lève. Plusieurs cas d’hypothermie seront signalés par la suite, dont celui d'Isaac Canton (Polartec-Fundacion Contador) qui s’évanouit sous le regard des autres coureurs.

Le peloton repart mais il est arrêté à deux autres reprises afin de rétablir l’écart de deux minutes  enregistré derrière l’échappée avant la neutralisation. Problème : les sept hommes de tête manifestent leur envie de faire la course tandis qu’une partie du peloton ralentit et demande une annulation pure et simple de l’étape.

« NOUS ON VEUT COURIR ! »

Au deuxième arrêt, le peloton apparaît très divisé. "Nous, on veut courir !", lance Arnaud Pfrimmer (sélection Bourgogne - Franche-Comté). Les coureurs de Chambéry Cyclisme Formation proposent de poursuivre la course "le plus longtemps possible" : "Pas question de s’arrêter là, au milieu de nulle part". D’autres formations engagées, notamment certains courreurs de Team Wiggins, Zappi et BMC Development, plaident en faveur d’une annulation. Finalement, les commissaires tranchent : la course doit reprendre ses droits. C’est le Vendée U qui relance le peloton en accélérant, suivi par la plupart des équipes françaises. Emiel Planckaert (Lotto-Soudal U23) se place en tête du peloton et modère l’allure.

A l’avant, les échappés refusent au contraire de baisser le rythme et l’écart monte jusqu’à une vingtaine de minutes. Leurs chances de gagner l’étape sont d’autant plus évidentes que les commissaires ont décidé de raccourcir l’étape d’un tour de circuit final, soit 17 km. De même, Stefano Oldani (Team Colpack) décide de faire la course et se lance en contre-attaque.

« LES CONDITIONS N'ETAIENT PAS EXTREMES ! »

La course est finalement annulée aux alentours de 14h40. "Je pense que les conditions météorologiques n'étaient pas extrêmes ! Oui il faisait froid, du vent mais par 10 degrés quand même! Je pense qu'il y a eu un gros problème de dialogue entre les coureurs et les commissaires. Personne n'était au courant de la reprise de la course ainsi que des écarts ! Il n'y avait pas de voitures commissaires devant nous, simplement deux motos. Dès que nous avons su que l'écart était de 8 minutes, de nombreuses équipes non représentées à l'avant ont décidé de s'arrêter! Je trouve ça dommage pour l'épreuve. Mais l'écart était devenu vraiment très élevé. Je suis partagé... Pour moi il fallait reprendre la course avec 1'40". Il faut surtout être clair et précis avec les coureurs", déclare Valentin Madouas (Team U Nantes Atlantique), le Champion de France Amateurs, à DirectVelo.

LES JAMBES COUPEES

Que déduire de l’attitude du peloton ? Un état d’esprit divisé ? Une envie de certains de ne pas risquer un refroidissement après l’arrêt exceptionnel sous la pluie ? Le souhait des autres d’aller jusqu’au bout en "guerriers" ? Toujours est-il que les chutes ont largement pesé dans le déroulé de la journée, et pas seulement dans l’absence de la voiture médecin qui a justifié la première neutralisation. De nombreux coureurs ont confié à DirectVelo qu’ils avaient eu "les jambes coupées" en voyant De Jong projeté en l’air ou allongé couvert de sang. Certains ont fondu en larmes, visiblement très choqués. Comme pour Romain Chamayou-Brien , des concurrents étaient prêts à s’arrêter en cours d’étape pour prendre des nouvelles, dans un geste d’empathie, alors même que la course filait à plus de 46 km/h.

Remis du froid et de leurs émotions, les coureurs sont attendus vendredi pour la deuxième étape, première explication en montagne qui sera jugée à l’Hospice de France, au-dessus de Bagnères-de-Luchon.

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