La Grande Interview : Mathieu Le Lavandier

Bande à part pour les jumeaux Le Lavandier. Alors que Maxime conserve sa place chez Chambéry Cyclisme Formation, Mathieu s'est engagé en faveur du CC Etupes cet hiver. "J'aurai plus de libertés", explique ce dernier. L'ex-Champion de France Juniors (en 2010, sur le Circuit de Brécey, en Normandie) tente ainsi sa chance en solitaire. C'est pour mieux réussir de nouveaux défis dans sa dernière saison chez les Espoirs : une sélection sur le Tour de l'Avenir, de bonnes prestations contre-la-montre et surtout des retrouvailles avec la victoire. L'an passé, le grimpeur-rouleur avait terminé quatrième de la Ronde de l'Isard, cinquième du Giro delle Valli Cuneesi et dixième d'Annemasse-Bellegarde. "La montagne reste une passion", confie ce terrien mesuré, qui s'épanouit tout autant dans les champs de sa ferme en Bretagne.

DirectVélo : Après Sojasun espoir-ACNC et Chambéry CF, te voilà donc engagé avec le CC Etupes. Ce n'est pas difficile de s'adapter aussi souvent à un nouvel environnement ?
Mathieu Le Lavandier : Mon intégration s'est très bien passée. Nous, les coureurs, on se connaît tous dans le peloton, on se côtoie chaque semaine, que l'on soit équipiers ou adversaires. Le CC Etupes m'accorde plus de liberté que Chambéry CF. Je ne suis plus obligé de suivre des études, je peux rentrer plus souvent chez moi, en Bretagne. Je peux également me lier avec plus de facilité à des équipes professionnelles. Certes, Chambéry est normalement l'antichambre d'AG2R La Mondiale. Disons « normalement », parce que AG2R pioche moins souvent dans sa réserve qu'Europcar le fait avec le Vendée U. Etupes est un club renommé, qui possède une solide expérience de l'entraînement. Samuel Bellenoue a repris le flambeau de Julien Pinot. Maintenant, je me sens au coeur d'une structure d'entraînement.

Tu parlais de rentrer plus souvent dans ta région d'origine. Tu revendiquerais une identité spécialement bretonne ?
On a un public de cyclisme exigent et connaisseur, et de belles courses d'un jour en début de saison, comme Manche-Atlantique et la Route Bretonne. Pour le reste, je ne ressens pas de fierté particulière à être Breton. Courir le Championnat de France avec un maillot de Rhône-Alpes ou de Franche-Comté, ça ne me dérange pas.

« CE QU'IL ME FAUT : GAGNER »

Qu'est-ce qui fait alors ton équilibre de vie en Bretagne ?
La ferme de mes parents. Nous avons une exploitation à Pleugriffet, près de Pontivy (au nord du Morbihan, NDLR). L'an dernier, j'ai passé deux mois à la maison, suite à une chute. C'était une période de ressourcement. Je travaille à la ferme chaque année depuis que j'ai dix ans. Même en 2013, j'ai aidé mon père pendant ma coupure, lorsqu'un ouvrier était absent.

Et tu te vois reprendre la ferme ?
La question se pose d'autant plus que mon père est à la retraite dans deux ans... Si je ne passe pas professionnel, pourquoi pas ? Mais mon principal objectif du moment, sans qu'il s'agisse d'une pression personnelle, c'est de faire du vélo mon métier. Je me donne jusqu'à fin 2015 pour y arriver.

Donc, 2014 c'est le bon moment pour te relancer ?
J'ai quand même fait une bonne année 2013, très régulière, avec 25 places dans le Top 10. Ce qu'il me faut à présent, c'est gagner. Par le passé, je comptais trop sur ma vitesse au sprint et je ne tentais pas assez de m'échapper dans le final. Parfois aussi, j'ai mal couru, comme sur Liège-Bastogne-Liège Espoirs. Ce jour-là, je fais 90 kilomètres échappé à deux et je m'accroche malgré tout lorsque le peloton nous rejoints. Sans cet effort inutile, j'aurais sans doute fait mieux que quatorzième.

« JE SUIS PLUS DECONNEUR »

Tu démarres 2014 en excellente forme. En stage avec le CC Etupes, il paraît que tu as amélioré le temps 2013 d'Adam Yates sur une ascension en Espagne...
Je ne regarde pas qui est devant ou derrière moi. Je regarde où j'en suis, combien de watts je développe. Le plus drôle dans l'affaire, c'est que mon frère a sorti exactement le même nombre de watts par kilo, la même semaine.

On dit que vous avez une VO2max similaire ?
Oui, et les mêmes pulsations cardiaques aussi. Il fait juste quatre kilos et deux centimètres de moins que moi.

Vous avez un caractère identique ?
Non, je suis plus bavard et plus déconneur que lui.

« AVEC MON FRERE, ON SERA SOUVENT A L'AVANT »

Pour la première fois, vous n'allez pas courir sous les mêmes couleurs. Est-ce un avantage ou un inconvénient ?
J'avais envie de tenter l'expérience pour ma dernière année dans la catégorie Espoirs. Je ne peux pas dire que le fait d'être réunis nous a défavorisés autrefois. Mais, sur ce point aussi, j'aurai plus de libertés. Sur la toute première épreuve de la saison, nous étions tous les deux échappés. C'est assez normal, parce que nous avons la même façon de courir. Sauf que dans le passé, comme nous avions le même maillot, il s'avérait presque impossible de partir à deux dans le même groupe. Désormais, je pense que nous allons nous retrouver assez souvent à l'avant, que ce soit sur le Tour du Jura, le Tour des Pays de Savoie voire - si l'on a la chance d'être sélectionnés - sur des épreuves avec l'Equipe de France.

Tu t'imagines rouler sur ton frère comme sur un adversaire classique ?
Si les consignes de l'équipe me l'imposent, je le ferai. Mais l'idéal si je gagne, c'est qu'il termine deuxième.

Vous êtes restés en contacts étroits depuis ton départ au CC Etupes ?
On s'appelle le soir des courses. Mais nous, on n'a pas besoin de se parler beaucoup.

« ANGE ROUSSEL CONDUIT LE SCOOTER »

Lequel de vous deux a eu l'idée de débuter le cyclisme en premier ?
Nous y avons vraiment pensé en même temps. C'était en Minime première année. Mon père ne voulait pas qu'on commence la compétition trop tôt, afin de ne pas saturer. Alors nous faisions du foot. Sur le vélo, nous n'avions pas de résultats parce que nous n'étions pas très avancés physiquement. Un jour, notre père nous a amenés voir Ange Roussel [ancien CTR du Comité Bretagne et entraîneur de l'Equipe de France Juniors, NDLR], qui habite tout près de chez nous. Il a accepté de nous entraîner à partir des Cadets 2. D'ailleurs, c'est à partir de ce moment qu'on s'est mis à marcher. On n'a même pas senti le temps d'adaptation habituel quand on rejoint la catégorie Junior.

Tu dois beaucoup à Ange Roussel ?
Oui. Avant mon titre de Champion de France Juniors, il m'a beaucoup conseillé. Aujourd'hui encore, il conduit le scooter pendant mes entraînements. Quand je suis en Bretagne, il passe à la maison deux ou trois fois par semaine. Et il vient suivre mon frère et moi sur les courses. Le week-end dernier, il est descendu à Marseille avec mes parents pour nous voir sur le Grand Prix Souvenir Jean-Masse. Ange a la science du vélo et il se met constamment à jour. Je lui ai montré comment fonctionnent les capteurs de puissance et maintenant, il ne nous lâche plus avec ça !

« MARCHER CONTRE-LA-MONTRE »

Sur quelles courses as-tu jeté ton dévolu cette saison ?
J'aimerais retourner sur Liège-Bastogne-Liège ou découvrir le Tour de l'Avenir. Mais je voudrais aussi marcher contre-la-montre, par exemple sur la Boucle de l'Artois. Je me suis bien remis à l'exercice cet hiver.

Le chrono ? Tu n'étais pas plutôt réputé grimpeur ?
Je suis assez complet. Mais la montagne reste en effet une passion. Chez moi, en Bretagne, on trouve de belles bosses, je peux tourner trois quarts d'heure dans mon village et en grimper un maximum. Comme je rêvais des grands cols, j'allais chaque été dans les Pyrénées avec mon frère et un ami. On escaladait Hautacam, le Tourmalet ou l'Aspin. Le bonheur !

Crédit Photo : Etienne Garnier
 

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