TotalEnergies, une saison à la merci des organisations

Crédit photo Nicolas Mabyle / DirectVelo

Crédit photo Nicolas Mabyle / DirectVelo

En une phrase, Anthony Turgis a sans doute parfaitement résumé le sentiment général : “ça fait mal”. Le Francilien, brillant sur les plus grosses Classiques du calendrier ces dernières années, ne pourra pas y défendre ses chances cette fois-ci (lire son interview), pas plus que l’ensemble de ses coéquipiers. Et pour cause : la formation TotalEnergies, devancée par les équipes Lotto-Dstny et Israël-ProTech au classement UCI des équipes de deuxième division mondiale l’an passé, n’est plus invitée automatiquement sur les épreuves du WorldTour. Or, plusieurs grosses courses du calendrier, à l’image de Milan-San Remo, de l’E3 Saxo Classic, du Tour des Flandres ou du Critérium du Dauphiné - entre autres - ont préféré se passer des hommes de Jean-René Bernaudeau, au profit d’autres candidatures.

On avait un passe-droit ces dernières années. Là, on est sujet au bon vouloir des organisateurs”, concède, fataliste, ce même Anthony Turgis. “C’est la règle du jeu, enchaîne Fabien Grellier. On est invités sur certaines courses, et pas sur d’autres. C’est dommage mais il y a déjà eu d’autres saisons où nous n’avons pas fait le Dauphiné, par exemple. On a une bonne équipe pour les Classiques alors c’est frustrant mais on aura d’autres courses et on tâchera d’y être performants”. Face à cette incertitude quant à une participation ou non à certains gros rendez-vous du calendrier, le staff de la ProTeam vendéenne avait décidé de ne pas trop se projeter sur le début de saison. C’est vrai que cette année, c’est particulier pour nous. On doit passer par la case invitations alors on a notre calendrier jusqu’à fin février seulement, sans se projeter plus loin”, détaillait Valentin Ferron auprès de DirectVelo au départ de l’Etoile de Bessèges.

NE PAS TOMBER DANS LE PIÈGE DES POINTS UCI ?

Qu’en dit-on du côté du staff de l’équipe ? “On est très distant de tout ça. De toute façon, on n’a pas la main dessus. On fait notre maximum pour faire les choses bien, depuis le début de saison avec une bonne préparation, et on va viser les meilleurs résultats possibles sur l’ensemble des courses auxquelles on va participer, tout simplement”, assure Romain Sicard, l’un des directeurs sportifs de l’équipe. “On adapte le calendrier en fonction des réponses. Et on tâche de construire le programme le plus intéressant possible pour nos coureurs avec l’idée d’aller sur chaque course le couteau entre les dents”. Dominique Arnould, technicien de l’équipe depuis deux décennies, ne compte certainement pas se laisser abattre. “C’est forcément une déception de ne pas être pris à San Remo ou aux Flandres. Des gars comme Anthony Turgis l’ont mal vécu mais il faut savoir rebondir. En étant 4e des ProTeams au classement UCI, on savait ce qui nous attendait. On accepte les règles du jeu et on doit se faire une place”.

Alors, en pensant à plus long terme, ces fameux points UCI, et la quête - à nouveau - d’une des deux premières places des ProTeams devient-elle une priorité absolue pour l’équipe ? “On court pour gagner, répond Dominique Arnould. En cas d'arrivée massive, on ne va pas faire chacun son sprint pour marquer des petits points. Nous ne sommes qu’en début de saison. On sait que la roue va tourner”. Sandy Dujardin a également son avis sur la question : “l’objectif, c’est d’abord d’aller faire des résultats, sans parler des points. Si tu fais des résultats, tu auras automatiquement des points. Mais c’est sûr qu’on y pense un peu, même s’il ne faut pas rester concentré sur ça, sinon ça ne marchera pas”.

LA SAISON NE FAIT QUE DÉBUTER

Fabien Grellier, pour sa part, a peur que l’équipe perde son identité à tomber dans le piège de la chasse aux points. “Beaucoup de fois, de saisons, on a couru en pensant aux points UCI. Mais on a bien vu que tout peut changer en toute fin de saison. De toute façon, quand on voit le barème… Est-il normal qu’une victoire à Bessèges rapporte 14 points, avec ce gros niveau sur la course ? Le barème est à revoir. Et puis, dans tous les cas, il ne faut pas trop penser aux points car après on ne court plus, on ne prend pas les échappées, on reste stéréotypé… Notre identité, c’est d’être à l’attaque comme on le fait sur le Tour de France avec Pierre (Latour) ou Mathieu (Burgaudeau)”.

Le premier mois de compétition de l’équipe n’a pas été idéal mais gare aux conclusions hâtives. Le premier succès de l'équipe, ce jeudi au Rwanda grâce à Pierre Latour, pourrait d'ailleurs lancer une nouvelle dynamique d'autant qu'après tout, la saison ne fait que débuter. On espérait un peu mieux au niveau des résultats, mais on est encore en train de se roder. D’ici deux-trois week-ends, ça ira mieux”, promettait Matteo Vercher dimanche dernier, au terme du Tour des Alpes-Maritimes. Sandy Dujardin confirme :c’est sûr qu’on est en retard mais chaque chose en son temps. Il faut qu’on règle encore des choses. Il faut faire avec, j’espère que ça va venir”.

DES LEADERS QUI ASSUMENT LEURS RESPONSABILITÉS À VENIR

Pour décrocher de très gros résultats sur les plus belles courses du calendrier, le Team TotalEnergies doit-il d’abord s’appuyer sur quelques hommes forts, ou sur la force collective d’un groupe que beaucoup qualifient de très homogène ? Pour nous, c’est plutôt le collectif qui prime, on croit en notre force collective. On a un groupe de jeunes qui a vraiment les dents longues, qui a du talent”, répond Romain Sicard. “Il faut avant tout un collectif très fort”, appuie Dominique Arnould. “Moi je reste persuadé que ce n’est pas forcément un leader qui pousse le groupe mais l’ensemble du groupe qui pousse tout le monde vers le haut, assure de son côté Fabien Grellier. Cette année, on a un collectif vraiment soudé”.

Ce discours partagé n’empêche pas ceux considérés comme les hommes forts du groupe d’assumer leurs responsabilités. À l’image du Belge Steff Cras.Je dois faire des résultats. C’est un peu plus de pression mais ça ne me gène pas. C’est même un boost. L’équipe me fait confiance à 100%. Il y a des coureurs que ça peut gêner mais moi, ça me motive”. Même chose pour Mathieu Burgaudeau. Je sais que l’équipe attend beaucoup plus de moi maintenant. J’ai des responsabilités à tenir. Faire des résultats en fait partie”. Reste désormais à trouver le calendrier le plus cohérent possible pour chacun des 23 éléments de l’équipe. Histoire à la fois de gagner des courses et, tant qu’à faire, d'engranger des points précieux au classement UCI. “C’est un calcul à faire. C’est particulier, c’est un sujet d’équipe. On peut toujours mettre les leaders sur des Classe 1, plus abordables, et prendre des points UCI. Mais à partir d’un certain nombre de jours de course, on fatigue et c’est un cercle vicieux, analyse Anthony Turgis. En plus, si on met les leaders sur les Classe 1 toute l’année, qui va faire les courses du WorldTour ? Avec quelles ambitions ? Ces questions se posent, bien sûr, mais je crois qu’il faut surtout construire un calendrier cohérent, avec des coureurs alignés sur des épreuves qui leur conviennent. Le groupe est homogène, il faut en faire une force”.

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Portrait de Mathieu BURGAUDEAU
Portrait de Steff CRAS
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