Nicolas Breuillard : « J’avais très peur que ce soit fini »

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

Il a accumulé les frustrations, les doutes et les contre-performances. Bouffé par le stress et l’infini désir de prouver que son titre de Champion de France Espoirs 2022 n’était pas un feu de paille, Nicolas Breuillard a passé douze mois de galères. Mais le sociétaire de l’AVC Aix-en-Provence a fini par prendre le dessus sur ses craintes et ses maux, jusqu’à retrouver ses meilleures jambes et convaincre la formation St-Michel-Mavic-Auber 93 de lui offrir une place en son sein pour 2024. C’est ainsi que l’ancien vététiste de 23 ans va découvrir le monde professionnel l’an prochain. Un rêve de longue date auquel il n’a jamais cessé de croire et qui va donc se réaliser. DirectVelo s’est entretenu avec le Vauclusien avant son passage dans la cour des grands.

DirectVelo : Dans moins de trois mois, tu disputeras tes premières compétitions dans le peloton professionnel !
Nicolas Breuillard : J’ai toujours été déterminé à l’idée d’arriver à ce moment-là. Depuis mes années de VTT, je savais que j’avais les qualités pour. Il fallait que j’arrive à les exprimer, c’est tout. J’ai réussi à le faire en 2022, jusqu’à ce titre national. Puis il a fallu confirmer. Tout n’a pas été simple mais malgré tout, la récompense est là avec ce contrat professionnel. 

N’as-tu pas eu peur d’avoir loupé le train ?
Si, complètement ! Même si je ne suis pas encore un vieux, on voit que les gars passent dès la sortie des rangs Juniors maintenant. L’air de rien, je n’étais plus Espoir cette année. C’était forcément plus compliqué pour moi. Après mon titre de Champion de France l’an passé, j’imaginais passer pro en 2023. Je considérais que ça allait être la suite logique. J’ai eu beaucoup de contacts mais malheureusement, ça ne l’a pas fait.

« JE ME SUIS MIS TROP DE PRESSION, RIEN NE MARCHAIT COMME IL LE FALLAIT »

Pourquoi ?
J’ai mal géré cette situation. Je crois que je n’y étais pas préparé. J’étais seul, je n’avais pas d’agent… Ce titre de Champion de France et tout ce qui a suivi m’est tombé dessus, en quelque sorte. C’était compliqué pour moi et ma famille. J’ai donné mon accord verbal à une équipe en disant donc aux autres formations intéressées que j’allais m’engager avec celle-ci. Et finalement, ça ne l’a pas fait, ils ont changé d’avis début octobre. C’était trop tard pour se retourner vers les autres formations initialement intéressées. Je ne me suis pas méfié et je me suis retrouvé sans rien, à devoir continuer chez les amateurs avec l’AVC Aix-en-Provence. C’était une grande déception.

Comment as-tu passé l’hiver et dans quel état d’esprit as-tu abordé la saison 2023 ?
Franchement, l’hiver a été compliqué. J’ai vraiment eu le sentiment que le train était passé. Je n’étais donc plus Espoir. Je me suis dit qu’à moins de faire une énorme saison avec de gros résultats d’entrée, j’allais m’enterrer. Je craignais que tout le monde pense que mon titre n’était qu’un feu de paille. J’avais très peur que ce soit fini pour moi. Je me suis mis à la place des autres, à la place des managers d’équipes… Je me disais qu’il serait normal qu’ils se demandent si j’avais vraiment le niveau.

Tu aurais pu lancer ce nouvel exercice annuel le couteau entre les dents mais finalement, tu l’as entamé dans le même état d’esprit que ta fin de saison 2022, la boule au ventre…
Après mon titre, je n’ai pas réussi à refaire un gros résultat sur la fin de saison. Je me suis mis trop de pression, rien ne marchait comme il le fallait. Et c’est vrai qu’il s’est passé la même chose cette année. J’avais peur de tout rater et ça m’a bouffé. J’ai fait beaucoup d’erreurs, encore une fois. Je me suis retrouvé dans une position vraiment inconfortable. Même au niveau du club, il y a eu des répercussions.

« JEAN-MICHEL (BOURGOUIN) M’A BEAUCOUP AIDÉ ALORS QUE LA FLAMME COMMENÇAIT À S'ÉTEINDRE »

Parce que tu n’étais pas dans le bon état d’esprit ?
C’est ça.. Je n’étais pas dans mon assiette et ça se ressentait au sein de l’ensemble du groupe. Je n’avais pas le sourire, je ne partageais pas de bonnes ondes. Aujourd’hui, avec le recul, j’en ai pleinement conscience et ça me fait chier car ça ne me ressemble pas. J’étais devenu un casse-couille pour le groupe. Mais j’avais peur d’avoir tout foiré alors que je m’étais battu pour passer pro pendant un moment. Je serrais les fesses, j’avais toujours cet espoir que cette équipe qui me suivait en 2022 reste intéressée pour l’année suivante mais je me suis fait bouffer nerveusement.

Le manager de l’AVC Aix-en-Provence, Jean-Michel Bourgouin, est sans doute l’un des personnages les plus emblématiques du paysage du cyclisme amateur français et une forte tête qui n’hésite pas à bouger ses coureurs s’il en ressent le besoin. On imagine, dans ce contexte, que vous avez dû avoir certains échanges musclés !
Jean-Michel m’a beaucoup aidé alors que la flamme commençait à s’éteindre. On a échangé récemment et il a eu une phrase qui m’a marqué. Il m’a dit que même si on avait une relation conflictuelle, c’est ainsi que l’on construisait quelque chose de fort. Il m’a toujours dit que s’il s’en foutait de moi, on ne s’embrouillerait pas. On a beaucoup discuté et il a été un appui important, comme les autres directeurs sportifs. Heureusement qu’ils étaient là. 

Comment as-tu fini par rebondir ?
Naturellement, j’ai fini par ne plus me mettre la pression, comme si j’avais acté le fait que c’était perdu ou presque. Or, perdu pour perdu, je me suis remis à faire du vélo pour le plaisir, comme lorsque Jean-Michel m’a contacté la première fois et que j’ai commencé à courir pour ce club. Finalement, en cherchant à nouveau à me faire plaisir, sans me prendre la tête, les résultats sont revenus pendant l’été. Et tout s’est enchaîné positivement. Entre-temps, j’ai pris Philippe Raimbaud en agent. Je lui ai raconté toutes les phases par lesquelles j’étais passé et lui aussi a été d’une aide précieuse. Malgré les moments difficiles, j’ai gardé espoir et je ne me suis pas découragé. J’ai toujours continué à travailler dur à l’entraînement, j’ai compris des choses, je me suis beaucoup remis en question. Et, comme je l’ai dit lors de ma victoire au Tour de Moselle, je me suis retrouvé (lire ici). Je me suis débarrassé de mes doutes et j’ai pu finir la saison à mon vrai niveau.

« JE SAIS QU’IL N’Y AURA PAS DE MIRACLE MAIS JE SUIS QUAND MÊME AMBITIEUX »

Par le passé, tu as connu beaucoup de hauts et de bas, des blessures, un drame avec l'accident mortel de ton ami Diego Vivancos alors que vous étiez tous les deux à l'entraînement… (lire ici). Ton année post-titre national pourrie puis ce contrat pro, c’est encore les montagnes russes !
Comme quoi, il ne faut jamais lâcher le morceau. Je n’ai pas passé une superbe année, ça c’est clair. Mais je suis heureux d’avoir continué à me battre, encore une fois. Et je me dis que plein de belles choses arrivent peut-être. Je crois toujours en cette bonne étoile qui m’accompagne. 

En 2024, c’est peut-être à la fois le plus beau et le plus dur qui t’attend…
C’est exactement ça (rire). J’ai hâte. Jean-Michel (Bourgouin) m’a toujours dit que j’avais la tête dure. Je me dis que maintenant, j’ai le cuir épais. Je sais qu’il n’y aura pas de miracle en 2024. À moins d’être une star du vélo, c’est forcément compliqué de débarquer chez les pros la première année. Il va me falloir du temps mais j’y crois. J’ai toujours eu confiance en mes capacités, il n’y a pas de raison que ça change maintenant. Je ne vais pas baisser les bras, même si je devais me faire taper dessus lors des premières courses. Je ne veux pas commettre l’erreur de me mettre trop de pression. Je m’en suis déjà assez mis cette année. Je veux aider l’équipe et les remercier de leur confiance. Il faut être prudent. Encore une fois, je sais qu’il n’y aura pas de miracle mais je suis quand même ambitieux. Maintenant que je suis rentré dans le monde professionnel, ce n’est pas pour y rester un an ou deux. J’espère performer.

En début de saison, tu auras le plaisir de courir à domicile, toi qui habites dans le sud-Vaucluse, tout près des Bouches-du-Rhône !
Je serai servi, c’est clair. J’ai super envie de faire le GP La Marseillaise et le Tour de la Provence, ça me ferait hyper plaisir. Je suis très motivé pour ces premières courses du calendrier. Ce sont des courses que j’allais voir quand j’étais gamin, ce sont mes routes d’entraînement. Je compte bien arriver en forme d’entrée pour ce mois de février, même s’il ne faudra pas faire n’importe quoi et que j’ai bien conscience que la saison sera longue. En plus, je préfère la chaleur donc en février… Mais je vais m’entraîner au mieux pour faire honneur à l’équipe et leur rendre la pareille.


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