Les Six Jours de Gand, la piste populaire

Crédit photo James Odvart - DirectVelo

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Le sol collant, l'odeur de la bière omniprésente, une musique de kermesse et une foule entassée. L'aire centrale du Kuipke, le vélodrome des Six Jours de Gand, a des allures de festival. Les coureurs avec leur maillot uni et leur numéro collé dans le dos, ressemblant à des jockeys, renforcent le doute. Pourtant, pas d'erreur : il s'agit bien d'une course cycliste. D'ailleurs, c'est l'un des deux derniers mohicans de ce format (1). En effet, les Six Jours de Gand et Rotterdam sont les derniers événements de ce genre. Les Six Days Series (ce rassemblement de Six Jours, lancé en 2016, en un classement de régularité) a été un coup dans l'eau. Voyant la déconfiture arriver de loin, l'organisateur des Six Jours de Gand, Christophe Sercu avait toujours refusé de s'associer à ce projet. Bien lui en a pris car les manifestations de Londres et Majorque ont rendu les armes et Copenhague a réduit la voilure.

Cette année, c'était le 100e anniversaire et c'est la paire Lindsay De Vylder et Robbe Ghys qui s'est adjugée la victoire. Pour ce centenaire, tous les tickets avaient été vendus au soir du premier jour. Cette réussite s'explique de plusieurs façons, selon l'organisateur Christophe Sercu au micro de DirectVelo. "Premièrement, les Six Jours ont construit une solide réputation à travers le temps. Deuxièmement, le site, Het Kuipke, a été construit uniquement pour cet événement. Il n'y a pas de mauvaise place dans les tribunes. Ensuite, c'est une piste hors du commun de par ses caractéristiques. Elle ne fait que 166 mètres, ce qui la rend spectaculaire. Ensuite, remettons les choses dans leur contexte, nous sommes en Belgique, un pays de vélo, en Flandre où le cyclisme est une religion. Gand est au milieu de tout. Le public est connaisseur". Toutefois, au mois d'avril pendant la période des classiques, le vélodrome Eddy Merckx, toujours à Gand, a du mal à remplir une tribune pendant le Grand Prix UCI. Mais le public ne vient pas que pour la course. "Il y a évidemment l'aspect festif qui est primordial. Nous voulons garder le public au centre de l'aire centrale. Nous aurions pu y mettre des VIP, mais le public dans l'aire centrale, c'est ce qui fait l'âme des Six Jours. De plus, le plateau, surtout ces dernières années, est vraiment de très grande qualité. Le programme des épreuves est fait en sorte pour qu'il n'y ait pas un moment de répit. Cette année, il y a aussi les adieux d'Iljo Keisse, septuple vainqueur de l'épreuve, qui vient encore apporter un cachet supplémentaire à cette 66e édition."

PAS DE CONCERTATION AVEC LA LIGUE DES CHAMPIONS

Et ce n'est pas l'arrivée de la Ligue des Champions, qui en est à sa deuxième édition, qui va venir le contrarier. "Au plus il y a des compétitions sur la piste, au mieux c'est. Je veux que les coureurs puissent vivre de la piste (NDLR : chaque participant aux Six Jours touche un contrat établi en fonction du palmarès et de la popularité du coureur - sur laquelle il doit encore déduire le prix du mécano et du soigneur personnel). Ce qui est dommage, c'est de voir qu'il n'y a aucune concertation. L'an dernier, une des dates est tombée en même temps que les Six Jours de Rotterdam et ici, la manche de Berlin avait lieu pendant les Six Jours. Je pense qu'il y a moyen de faire mieux pour placer les dates." D'autant que selon Christophe Sercu, la coexistence dessert directement la Ligue des Champions. "Comme nous n'organisons pas d'épreuve de vitesse, ça n'a pas d'incidence. Mais pour les coureurs de l'endurance, qui a le meilleur plateau ? Font-ils vraiment de l'endurance ?" (la Ligue des Champions propose un scratch de cinq kilomètres et une élimination, tandis que lors des Six Jours, les coureurs multiplient les Madison, les courses derrière derny, les éliminations et les courses aux points, NDLR). Difficile de donner tort à l'organisateur. Les Belges Tuur Dens et Jules Hesters, participants de la première édition l'an dernier, ont donc mis de côté la Ligue des Champions car ils ne voulaient louper en aucun cas les Six Jours de Gand.

Et ce n'est pas la révision des critères de catégorie (lire ici) envisagée par Gilles Peruzzi, le chef de la piste à l'UCI, qui va le perturber. "Vous croyez que quelqu'un se préoccupe vraiment si les Six Jours sont en Classe 1 ou 2 ?" Reste encore le sujet tabou : le caractère arrangé de l'épreuve. L'organisateur Christophe Sercu assure que le meilleur gagne à chaque fois. "On ne peut pas gagner les Six Jours sans être fort", précise-t-il. Néanmoins, des accords sont passés pour voir l'un ou l'autre gagner une épreuve. Pour rappel, sur les Six Jours, il y a un total de 72 courses aux formats variés (derny, Madison, élimination, 500 mètres...). De quoi faire plaisir à tout le monde, car ce qui compte avant tout, c'est de prendre des tours à ses adversaires. C'est le critère numéro un pour établir le classement général et à voir les visages décomposés à l'arrivée de l'ultime Madison, les Six Jours sont loin de n'être que du folklore.

(1) Avant les 6 Jours de Gand, les 3 Jours de Copenhague ont ouvert la saison hivernale. En plus des 6 Jours Rotterdam (6-11 décembre), il y a les 4 jours de Genève (24-27 novembre) et les 6 Jours de Berlin... réduits à 3 Jours (27-29 janvier). Les 6 Jours de Brême prévus en janvier 2023 ont été annulés en septembre.

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Portrait de Lindsay DE VYLDER
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